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Exposition "Les Borgia et leur temps" - musée Maillol

Thursday, September 18, 2014

Exposition du 17 septembre 2014 au 15 février 2015
Article publié le 20 octobre 2014 - mis à jour le 7 février 2015 après de nombreuses recherches et une deuxième visite de l'exposition
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L'exposition "Les Borgia et leur temps - de Léonard de Vinci à Michel-Ange" (17 septembre 2014 - 15 février 2015) se tient sur deux étages.
Les oeuvres et les textes du rez de chaussée dressent le contexte historique et présentent les protagonistes.
Le premier étage permet au visiteur d'approfondir ses connaissances artistiques sur l'époque en complétant ce qui a été vu au rez de chaussée par des oeuvres plus atypiques et des textes donnant des informations sur les différents courants, les filiations d'artistes et dans des domaines aussi variés que la peinture, la sculpture, l'architecture, l'urbanisme et la décoration intérieure. Pour les oeuvres du premier étage, le focus est mis sur le rôle de Rome et de la papauté dans la création artistique de l'époque.

Principes de l'exposition et de cet article

J'ai trouvé le principe de l'exposition, le fait de vouloir mélanger art et histoire, extrêmement intéressant. Je trouve cependant que la partie historique est sous exploitée. L'histoire des Borgia est indissociable des deux premières guerres d'Italie et donc de l'influence de Charles VIII et de Louis XII. D'autre part, Le rôle de Milan et en particulier de Ludovic Sforza mérite d'être souligné. Je trouve que l'exposition fait l'impasse sur Louis XII et ne met pas Ludovic Sforza assez en avant alors que la part faite à Laurent le magnifique est d'un autre côté disproportionnée.
Enfin, voir tout ça du côté d'un artiste qui a été mêlé à tous ces troubles de très près, surtout quand cet artiste se nomme Léonard de Vinci est une excellente idée. Malheureusement, là encore, les choses intéressantes à dire sur le sujet sont à mon goût inexploitées.
Je vais donc dans cet article pallier ces manques et écrire ce que j'aurais aimé lire sur les murs de l'exposition.

Rez de chaussée

 - Galerie de portraits


L'exposition s'ouvre sur une galerie de portraits présentant les Borgia et leurs proches.

Parmi les oeuvres maîtresses se trouve bien sûr le portrait présumé de César Borgia par Altobello Melone qui a été choisi pour l'affiche de l'exposition et qui est exceptionnel de modernisme par le réalisme du traitement et la qualité du dessin et de la peinture. On dirait une illustration de notre temps. Une couverture d'album de bande dessinée.

Cependant, ma préférence est allée à l'oeuvre de Raphaël. Ce portrait d'Alexandre Farnèse (Alessandro Farnese), futur pape Paul III et frère de Giulia Farnese, la maîtresse du fondateur de la dynastie des Borgia : le pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia.

D'abord, ça n'est pas tous les jours que l'on peut se trouver face à un Raphaël. Et celui là est de bonne qualité. Presque une raison suffisante pour visiter cette exposition. C'est très intéressant de comparer les deux oeuvres d'un point de vue pictural :
Si le portrait de César Borgia par Melone est impressionnant de technique et de modernisme, celui de Raphaël offre une dimension supplémentaire.
Quand vous êtes face à un portrait, quel qu'il soit, faites l'exercice suivant. Essayez de faire de la morphopsychologie. Essayez en regardant le portrait de deviner quels étaient les traits de caractère de la personne peinte.

Vous vous apercevrez que cet exercice n'est jamais aussi facile que devant un tableau de Raphaël. C'est le champion du rendu de l'expression d'un visage, de son humanité.

Pourquoi ? Parce que Raphaël s'emploie à détailler point par point toutes les petites imperfections, les petites irrégularités d'un visage, et ceci, sans que la peinture elle même paraisse imparfaite, irrégulière, maladroite.
En cela, il a plusieurs siècles d'avance sur les génies de son époque, même Léonard et Michel-Ange, qui en étaient encore à styliser les visage, les rendre symétriques, bien dessinés, à les lisser, à "faire joli".

Au passage, attardez vous sur le portrait présumé de Giulia Farnese, la soeur d'Alessandro Farnese, et maîtresse du pape Alexandre VI.
(il a 58 ans, elle en a 15 !).

Admirez le traitement de l'étoffe couvrant sa cuisse droite...

 - Contexte historique

Durant la première partie de la Renaissance se déroule une guerre quasi permanente sur terre comme sur mer entre les cités-États italiennes ( Milan, Florence, Pise, Sienne, Gênes, Ferrare, Mantoue et Venise) qui luttent pour la suprématie. Des décennies de combats sur le continent affirment Florence et Milan en tant que villes dominantes, et ces deux puissances mettent finalement de côté leurs différends et signent la Paix de Lodi en 1454, ramenant la région à un calme relatif pour la première fois depuis des siècles. Cet accord persistera durant les quarante années suivantes, et l’hégémonie incontestée de Venise sur les mers amène également à une paix sans précédent presque jusqu’à la fin du xve siècle.

En 1492 trois événements majeurs vont faire basculer l'Italie dans le trouble et annoncer la fin de la prédominance italienne :
  • Avril : Laurent le magnifique un des plus grands mécènes de la renaissance italienne qui a régné sur Florence depuis 23 ans, s'éteint.
  • Août : Rodrigo Borgia devient pape sous le nom d'Alexandre VI.
  • Octobre : Christophe Colomb découvre l'Amérique.


 - Les protagonistes

  • Laurent de Médicis dit "le magnifique" (1449-1492)

    Masque mortuaire de Laurent de Medicis
    exposé au musée Maillol
    Laurent le magnifique est issus de la famille des Médicis, ces riches banquiers qui ont contribué à la mise en place du système bancaire tel que nous le connaissons aujourd'hui.
    Laurent était un homme brillant, diplomate, homme politique habile qui dirige la république de Florence de 1469 à 1492 et qui va mettre son talent au service de la paix, ce qui va de soi pour un banquier. Il s'entoure d'une cour d'artistes et d'esprits remarquables. Quand Laurent le magnifique disparaît, l'équilibre entre les premières puissances italiennes : Florence, Milan, le royaume de Naples, Venise et Rome, est compromis. Sa fin annonce aussi la fin d'une paix qui aura duré 40 années.
    Il est aussi indirectement impliqué dans la mise en place de la dictature théocratique de Florence par Jérôme Savonarole en ayant permis à ce dernier de revenir prêcher à Florence en 1490.
    Laurent aura été un grand mécène qui a contribué à la notoriété d'Antonio Pollaiuolo, Andrea del Verrocchio, Léonard de Vinci, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Le Pérugin, Filippino Lippi et Michel-Ange.

    Une excellente anecdote mêlant l'histoire, l'art, Laurent le magnifique, Ludovic Sforza, est la suivante :
    En 1469 commence à Florence le règne de Laurent le magnifique, et la même année, Léonard de Vinci, alors âgé de 17 ans entre dans le prestigieux atelier d'Andréa del Verocchio à Florence dans lequel il va côtoyer Botticelli, Le Pérugin.
    A partir de 1478 Le Pérugin se distingue, est en passe de devenir le peintre le plus célèbre d'Italie et est appelé en 1479 à Rome par le Pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle de la conception à Saint Pierre aujourd'hui disparue. En 1480 le pape lui confie les fresques de la chapelle sixtine. Il est rejoint par Boticelli et Ghirlandaio un an après mais Léonard de Vinci n'a pas été sélectionné.
    Léonard est déçu et abandonne le tableau qu'il était en train de peindre (l'adoration des mages).
    Ensuite, certaines sources disent que léonard ne s'entendait pas avec les Médicis, d'autres disent que Laurent le magnifique l'aurait envoyé à Milan auprès de Ludovic Sforza comme un "cadeau" devant renforcer les alliances entre Florence et Milan. Toujours est il qu'on retrouve bien Léonard à la cour de Milan en 1482 et qu'il va y rester les 17 prochaines années.

  • Ludovic Marie Sforza, dit Ludovic le More, duc de Milan (1452-1508)

    Portrait par Giovanni Ambrogio de Predis
    National gallery Londres
    Ludovic Sforza, est le deuxième fils du duc de Milan qui a régné sur le duché jusqu'en 1466. Le frère ainé de Ludovic, Galéas Marie, connu pour sa cruauté règne sur Milan jusqu'en 1476 où il est assassiné. En 1476 le fils de Galéas Marie, Jean Galéas a sept ans, le duché est donc placé sous la régence de sa mère Bonne de Savoie.
    Ludovic Sforza qui pendant ce temps a été mi-condottiere mi-pillard, complote à partir de l'été 1479 pour devenir le nouveau régent de Milan et y parvient en septembre. Il s'arrangera pour exclure Jean Galéas de tout pouvoir et régner à sa place.
    Durant la fin de l'année 1479 et le début de 1480, diverses réactions agitent ses voisins :
    • Naples, Florence et Ferrare soutiennent ou, du moins, cherchent à s'entendre avec les Milanais. Milan, Naples et Florence signent une paix et une alliance.
    • Venise et le pape préparent la guerre contre Florence et Milan.


    A la mort de Laurent le magnifique en 1492, l'alliance entre Milan, Florence et Naples est compromise. Ludovic, ayant besoin de nouveaux alliés, incite Charles VIII à faire valoir ses droits sur Naples. Charles VIII est aussi encouragé à reprendre le contrôle du royaume de Naples par le cardinal Giuliano della Rovere (le futur pape Jules II) qui veut faire mettre fin au règne du pape Alexandre VI.
    Les guerres d'Italie commencent donc en 1494 avec la première guerre d'Italie qui unit la France (Charles VIII) et Milan contre le reste de l'Italie. La même année, bizarrement, Jean Galéas (25 ans) meurt et Ludovic devient le duc officiel de Milan. De fortes présomptions pèsent sur un empoisonnement commandité par Ludovic.

    Cependant, les guerres d'Italie vont contrairement aux plans initiaux de Ludovic Sforza jouer en sa défaveur et précipiter sa perte :
    Pendant la première guerre d'Italie, le duché de Milan est menacé par le cousin de Charles VIII, Louis d'Orléans qui revendique des droits sur le duché par sa grand mère. Ludovic change de camp en 1495 et s'allie avec le reste de l'Italie contre la France.
    La première guerre d'Italie se soldera donc par un échec pour la France qui n'obtiendra aucune terre italienne. La seule conséquence de cette guerre est le départ des Médicis de Florence et la mise en place par Savonarole de la dictature théocratique.

    En 1499 Louis d'Orléans devenu le roi Louis XII attaque à nouveau l'Italie avec cette fois-ci des vues sur Naples et sur Milan (deuxième guerre d'Italie). Il s'allie donc contrairement à son cousin Charles VIII avec le pape Alexandre VI. Louis XII parviendra à prendre Milan qui restera sous domination française jusqu'en 1513. Quand à Ludovic, il finira sa vie en captivité en France. Il y meurt en 1508 à l'âge de 56 ans. Les milanais n'ont pas voulu de sa dépouille et il n'a pas de sépulture officielle à Milan.

    Mécènat

    Aussi bien durant sa régence que pendant son gouvernement ducal, Ludovic s'est préoccupé de l'aspect et du rayonnement intellectuel de la cité de Milan et du duché. Pour ce faire, il a convié et hébergé de nombreux artistes et savants.

    L'architecte Bramante fut milanais de 1478 à 1500. Il participa à la décoration de l'église Santa Maria presso San Satiro, du presbytère et des cloîtres de la basilique Sant'Ambrogio12, de l'abside de l'église Santa Maria delle GrazieN 15,12 à Milan, de la place Ducale et du Castello Sforzesco à Vigevano.
    Léonard de Vinci resta de 1482 à 1500 dans la cité ducale et, entre autres réalisations, peignit La Vierge aux rochers (La Vergine delle Rocce), Portrait de musicien (Ritratto di musico), Portrait de dame (Ritratto di dama) appelé aujourd'hui La Belle Ferronière, La Dame à l'hermine (La dama con l'ermellino), un profil de Bianca SFORZA "La Belle Princesse" lui serait attribué et surtout, de 1494 à 1498, la Cène (L'Ultima Cena) dans le réfectoire du couvent de l'église Santa Maria delle Grazie.

    De même, le moine mathématicien Luca Pacioli quitta Venise pour Milan en 1496, à la demande pressante de Ludovic ; il écrivit en 1497 le Compendium de divina proporzione (Précis de la proportion divine) dédié à son mécène, un traité sur les applications du nombre d'or et dont les illustrations sont dues à Léonard de Vinci. Vécurent et travaillèrent à la cour de Ludovic les peintres Giovanni Ambrogio de Predis et son frère Evangelista, Andrea Solario, Franchino Gaffurio, les architectes et sculpteurs Giovanni Antonio Amadeo et Cristoforo Solari. En 1499, un polyptyque a été commandé au Pérugin pour la Chartreuse de Pavie.

  • Le pape Alexandre VI Rodrigo Borgia

  • Portrait du pape Alexandre VI
    Exposition Les Borgia - Musée Maillol
    Rodrigo de Borja est le neveu et fils adoptif du pape Calixte III (Alphonse de Borja). La famille de Borja est originaire du royaume de Valence. Calixte III fut élu pape à 77 ans comme candidat de compromis en 1455. Il meurt trois ans après.
    Déjà, les italiens voyaient d'un très mauvais oeil d'avoir un pape espagnol.
    Il est jugé défavorablement pour son népotisme ayant nommé cardinaux deux de ses neveux dont en 1456, Rodrigo alors âgé de 25 ans.
    L'année suivante, Rodrigo est nommé vice-chancelier de l'Église romaine (le poste le plus élevé du Saint-Siège, après le pape, puisqu'il n'y avait pas de chancelier). il le restera jusqu'à son élévation au souverain pontificat. Le vice-chancelier gérait les finances du Saint Siège ce qui constituait la meilleure place pour accéder à la papauté. C'était aussi un excellent moyen de s'enrichir.

    Rodrigo est ordonné prêtre en 1468. En 1470 commence sa liaison avec Vannozza Cattanei, jeune patricienne romaine, qui lui donnera quatre enfants (Jean ou Juan, César, Lucrèce, et Geoffroi ou Joffre). Auparavant Vannozza avait eu une liaison avec le cardinal Giuliano della Rovere, futur Jules II.
    En 1489, nouvelle liaison pour Rodrigo avec la jeune et jolie Giulia Farnèse qui n'a que 15 ans. Rodrigo Borgia a alors 58 ans. De leur union naîtra une fille, Laura, qui sera présentée comme l'enfant légitime d'Orso Orsini, époux officiel de Giulia Farnèse.
    En 1492 Rodrigo Borgia devient le pape Alexandre VI. Il est soupçonné d'avoir acheté le vote de plusieurs cardinaux ayant conduit à son élection.

    Première guerre d'Italie

    En 1494, un parti de prélats à la tête duquel se trouve Giuliano Della Rovere, le futur pape Jules II, tente de faire déposer ce pontife qu'ils accusent, non sans raisons, de simonie et de corruption de toute sorte.

    Ce parti de prélats ainsi que Ludovic Marie Sforza, dit "Ludovic le More", assurant à cette époque la régence du duché de Milan, vont inciter le roi de France Charles VIII à faire valoir ses droits sur le royaume de Naples et à mener une campagne en Italie pour le reconquérir.
    Après avoir signé des traités avec les puissances européennes les plus hostiles à la France, l'Angleterre, l'Aragon et l'Autriche, Charles VIII s'engagea dans la première guerre d'Italie. L’expédition fut lancée en mars 1494, deux mois après la mort de Ferdinand, le roi de Naples. ce fut alors le fils de ce dernier, Alphonse II, qui monta sur le trône.

    Charles VIII marche donc sur Naples avec une armée de 15 000 hommes en septembre 1494 (première guerre d'Italie).
    En octobre 1494 il est à Asti où il reçoit la visite de Ludovic le More. Ce même mois, le neveu de Ludovic, Jean Galéas, meurt mystérieusement ce qui promeut officiellement Ludovic au rang de Duc de Milan.
    Puis Charles VIII marche sur Florence alors entre les mains de Pierre II de Médicis, seigneur de Toscane. En effet, ce dernier avait décidé de rester neutre, ce qui avait fortement déplu au roi de France.
    Signant peu de temps après un accord avec Charles VIII, Pierre II fut néanmoins renversé par Jérôme Savonarole, un influent prédicateur dominicain, resté dans l’Histoire pour son dédain des arts de la Renaissance (ce dernier étant favorable au roi de France, Charles VIII n’inquiéta pas Savonarole qui put mettre en place un véritable gouvernement théocratique dans Florence.)

    A la fin de l’année, les Français approchèrent de Rome. Alexandre VI, pensant un moment fuir, décida finalement d’ouvrir les portes de la ville, faisant mine de se soumettre (fin décembre 1494.) Le pape livre au roi de France, le frère du sultan Bayazid II, Djem, qui avait trouvé asile politique en France en 1482 puis avait été transféré à Rome sous le règne d'Innocent VIII.

    Finalement, l’armée française rentra dans Naples en février 1495, sans rencontrer de difficultés. Le frère du sultan y meurt de maladie, il avait 35 ans.
    cependant, cette mainmise française sur le royaume de Naples ne tarda guère à faire des envieux. C’est ainsi que se constitua en mars 1495 la Ligue de Venise, réunissant la république de Venise, le duché de Milan, les Etats pontificaux, le Saint Empire romain germanique, ainsi que le royaume d’Aragon. Ludovic le More, signataire du traité, décida donc de s’attaquer à Louis II d’Orléans, qui était resté dans le nord de l’Italie afin de faire valoir ses droits sur le duché de Milan.
    Mai 1495 : Charles VIII quitte Naples y laissant Gilbert de Montpensier avec le titre de vice roi.
    Charles VIII rentra en France en repassant par Rome dont le pape s'était enfui. L'armée française (9000 hommes) livra la bataille de Fornoue contre les coalisés (35 000) hommes et la gagna en juillet 1495.
    Arrivé à Asti, à la tête d’une armée fatiguée par la faim et la syphilis, Charles VIII dut alors se rendre au secours de Louis II d’Orléans, qui s’était laissé enfermer dans Novare par les troupes de Ludovic Sforza.
    En 1496, Gilbert de Montpensier abandonne Naples sous la pression des Espagnols, L'Espagne profite de la situation pour attaquer le Languedoc. Débute alors les tractations entre la France et l'Espagne
    Le 7 février 1497: Jérôme Savonarole met en place le bûcher des vanités. En mai Alexandre VI excommunie Savonarole.
    Novembre 1497 : Signature de la trêve d’Alcalá de Henares entre la France et l'Espagne : Fin de la première guerre d'Italie.
    1498 : A l'initiative du Pape Alexandre VI, arrestation, procès par l'inquisition et mort par pendaison de Jérôme Savonarole.

    En avril 1498, Charles VIII décède après avoir heurté un linteau de pierre placé trop bas. Louis d'Orléans lui succède sous le nom de Louis XII.

    Deuxième guerre d'Italie

    Louis XII et Alexandre VI ont certainement tiré les conséquences de la première guerre d'Italie. Les alliances se nouant avant le deuxième guerre sont donc complètement différentes :
    En 1498 Alexandre VI s'allie avec le roi de France Louis XII. Il annule le premier mariage de Louis XII pour lui permettre d'épouser Anne de Bretagne et lui facilite la conquête de Milan et de Naples (deuxième et troisième guerres d'Italie).
    César Borgia, fait duc de Valentinois par Louis XII, prototype du Prince de Machiavel, conquerra de son côté la Romagne, puis Urbino et Camerino. Dépouillant les unes après les autres les grandes familles romaines, les Colonna, les Savelli, les Caëtani, les Orsini. Les Borgia ne visent rien moins que la royauté sur l'Italie.
    Pour mener toutes ces guerres il faut de l'argent. L'année 1500 proclamée année sainte par le souverain pontife, va renforcer les finances avec les revenus du pèlerinage. Quant à la vente du chapeau de cardinal, elle rapporte de gros revenus au pape et à ses bâtards. « Offrir la pourpre à un candidat rapportait gros. L'assassiner ensuite encore davantage, tous les biens d'un cardinal revenant de droit au pape. Enfin, il y avait l'apport régulier des indulgences » (Jean Mathieu-Rosay).

    La vie privée d'Alexandre VI fait aussi scandale :

    Il est le premier pape a avoir reconnu ses enfants illégitime. Il entretient une liaison avec Giulia Farnese qui habite dans un palais situé non loin des appartements du pape. Un souterrain permet au pape de rejoindre sa maîtresse.
    Il nommera cardinal Alexandre Farnese , le frère de Giulia, alors âgé de 25 ans. Celui-ci prendra alors le sobriquet de cardinal de la jupe. Il deviendra des années plus tard lui même pape sous le nom de Paul III.

    Alexandre VI s’est aussi rendu célèbre par la fameuse orgie du 31 octobre 1501 pendant laquelle ses convives ont été invités à faire preuve de la plus grande virilité auprès d’une cinquantaine de danseuses dévêtues. La compétition a été arbitrée par les propres enfants d’Alexandre VI, ce qui déclencha l'un des plus grands scandales de la chrétienté. En 1501, le pape attire au Château Saint-Ange le jeune et beau Astorre Manfredi, seigneur de Faenza, qu'il viole et fait jeter dans le Tibre. Mais il pourrait également s'agir de César Borgia qui tenait prisonniers les deux frères Manfredi.

    Fin et postérité

    Alexandre VI meurt en 1503 après une courte maladie. Il laisse dans la chrétienté un grave malaise qui s'amplifiera avec les années. Même parmi les historiens chrétiens, il ne trouva pas de véritable défenseur. Le nom de Borgia, notamment par la vie de son fils César qui a inspiré Le prince de Machiavel, est devenu synonyme d'ambition et d'absence de scrupules.
    Il a néanmoins été l'un des mécènes de la renaissance italienne en laissant des appartements somptueux décorés par Pinturicchio. Il a d'autre part continué l'oeuvre de modernisation et d'embellissement de la ville de Rome commencée par Sixte IV. Là encore il y avait un but lucratif, celui d'augmenter le nombre de pèlerins qui constituaient une source de revenus non négligeables pour le Saint Siège. Cette partie du pontificat d'Alexandre VI est bien mise en valeur dans l'exposition du musée Maillol, "Les Borgias et leur temps".

  • Cesar Borgia
  • Lucrèce Borgia
  • Jérôme Savonarole
  • Machiavel

 - Léonard de Vinci

Comme je le disais en préambule de cet article, l'idée de rapprocher les Borgia et leur époque, des deux artistes majeurs de la renaissance italienne que sont Léonard de Vinci et Michel-Ange était excellente. Malheureusement l'idée n'a pas été à mon avis assez exploitée. Essayons donc d'aller plus loin :

1469, commence le règne de Laurent le magnifique sur Florence. Règne non officiel, parce que Florence est une commune, mais depuis 1434, Cosme l'Ancien, fondateur de la maison de Médicis, assied son pouvoir effectif sur la cité, la transformant en seigneurie sans toutefois abolir formellement les institutions communales.
Cette même année Léonard de Vinci entre dans l'atelier d'Andréa Del Verrocchio et va rester à Florence jusqu'en 1482 (certaines sources indiquent l'entrée de Léonard chez Verrocchio dès 1466).
Léonard est initié par Verrocchio à plusieurs techniques, non seulement, le dessin la peinture et la sculpture, mais aussi la chimie, la métallurgie, le travail du cuir et du plâtre, la mécanique et la menuiserie. Il étudie aussi les mathématiques.
On voit donc que dès cette période et en partie grâce à son maître, Léonard est un touche à tout.
En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de saint Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence. Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.

Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).

En 1478, à 26 ans, Léonard de Vinci quitte son maître devient alors maître-peintre indépendant.
En janvier, il reçoit une de ses deux premières commandes indépendantes : le peinture d'une retable pour la chapelle de St. Bernard du Palazzo Vecchio. Elle ne sera jamais terminée. Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : il offre, la même année, de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement.

Au même moment, l'ancien élève de Verrochio, le Pérugin, qui a fréquenté l'atelier en même temps que Léonard est retourné en Ombrie et produit des fresques magnifiques au point de se faire remarquer pas le pape Sixte IV, en particulier pour ses madones au traitement novateur (tendresse, langueur, fonds paysagers). En 1479, la célébrité du Pérugin (29-34 ans) est telle qu’il est appelé à Rome par le pape pour peindre à Saint-Pierre le décor de la chapelle de la Conception, aujourd’hui disparu.
En 1480, le pape Sixte IV confie au Pérugin (30-35 ans), la décoration de la chapelle sixtine. L'Anonimo Gaddiano ou Magliabechiano (manuscrit de 1540 aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale centrale de Florence) relate qu'en 1480 Léonard de Vinci vivait avec les Médicis et travaillait au "jardin de la place Saint Marc" à Florence, une académie néo-platonicienne regroupant des artistes, des poètes et des philosophes créée à l'intiative des Médicis.
En mars 1481, deuxième commande indépendante pour Léonard de Vinci : L'adoration des mages par les moines de San Donato a Scopeto.
La même année, Sandro Boticelli (37 ans) et Domenico Ghirlandaio tous deux élèves de Verrocchio et donc anciens collègues d'atelier de Léonard de Vinci, ainsi que Cosimo Rosselli, rejoignent Le Pérugin à Rome pour les travaux de la chapelle sixtine. Léonard n'a pas été choisi. Consternation !

Rappelons que l'époque de la renaissance est à la fois une époque de rude compétition et de recherches d'alliances. Entre les pays européens déjà constitués d'une part (Espagne, France, Angleterre), et qui cherchent à conquérir des territoires en Europe et bientôt dans ce nouveau monde qui vient juste d'être découvert. Entre les royaumes (Naples), les duchés (Milan), et les cités (Florence, Venise) de cette Italie qui n'est pas encore un pays d'autre part, et qui sont souvent administrés par de puissantes et anciennes familles : les Médicis, les Visconti, les Sforza, les Orsini, les d'Este. Chacune de ces famille essaie de surpasser les autres par la production d'oeuvres d'arts et d'architecture.
La compétition que se livrent les familles implique donc directement les artistes qui doivent se surpasser pour le compte de leurs mécènes respectifs.
En même temps il y avait entre les artistes un respect mutuel, une complicité, et une collaboration dans la recherche de l'amélioration des techniques. La seule inimitié manifeste entre les artistes de l'époque actuellement à ma connaissance et celle qui opposera Léonard de Vinci à Michel-Ange.
C'est d'autant plus difficile à comprendre qu'ils partageaient d'importants points communs, tous deux néo-platoniciens, et certainement tous deux homosexuels (bien que seule l'homosexualité de Léonard soit prouvée).

Léonard est à la fois un peintre et un scientifique. Un touche à tout curieux de tout. Il s'intéresse entre autre à l'ingénierie. Or l'ingénierie de l'époque s'applique à plusieurs domaines : L'architecture, les travaux hydrauliques et surtout la guerre.
En effet les guerres de l'époque menées sur le sol italien, sont souvent des guerres de positions où s'affrontent des régiments de mercenaires. Les petites cités italiennes sont trop pauvres en population pour posséder des armées mais leur activité commerciale les a rendues assez riches pour constituer des armées de mercenaires le plus souvent suisses et allemands. Il y a donc peu de batailles et de massacres mais des levée d'armées, de l'intimidation et des sièges. Le génie militaire a de ce fait une importance particulière dans ce type d'affrontement puisqu'il permet d'une part de construire des fortifications et d'autre part de parvenir à les percer.

Revenons donc à l'année 1481 où Léonard vexé de ne pas avoir été choisi par Sixte IV avec ses ex-collègues de l'atelier de Verrocchio invités à Rome par le pape Sixte IV pour peindre les murs de la chapelle sixtine arrête de peindre sa commande "l'adoration des mages".
A cette même période, Ludovic Sforza vient de prendre depuis deux ans le contrôle du duché de Milan, ce qui inquiète Laurent le magnifique qui règne officieusement sur Florence et qui est un des mécènes de Léonard. L'alliance entre Florence, Milan et le royaume de Naples (qui couvre à cette époque la moitié sud de l'Italie) est très importante car elle prévient Venise d'étendre son territoire et garantit une paix en Italie depuis 30 ans.
Il est donc essentiel pour Laurent le magnifique de conserver de bonnes relations avec Milan et en particulier, avec Ludovic Sforza qui vient d'en prendre le contrôle.
Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc-régent de Milan, Ludovic Sforza. Léonard de Vinci, de son côté, est favorable à un départ vers Milan. Le néoplatonisme joue peut-être un rôle dans cette décision d'un départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan. Cela est probablement plus en phase avec l'esprit de Léonard de Vinci, qui s'appuie sur une démarche empirique, prouvée pars ses multiples expériences.

Dans ce cadre, l'exposition nous montre la lettre de Léonard de Vinci à Ludovic Marie Sforza, véritable lettre de motivation dans laquelle Léonard vante ses mérites afin d'entrer au service du Duc. Cette lettre n'est d'ailleurs pas de la main de Léonard, mais a été rédigée par un écrivain public.
Ma conviction est qu'à ce moment, Léonard de Vinci va réorienter sa carrière :
Il faut voir à partir de ce moment, léonard de Vinci comme un homme qui va tirer ses principaux revenus de ses travaux d'ingénierie, et s'adonner à la peinture comme un passe temps. Ceci va entre autre lui permettre d'abandonner ses oeuvres picturales quand bon lui semble ou de pouvoir passer plusieurs années sur une toile comme ça a été le cas pour la Joconde par exemple (6 ans !). Pas étonnant de ce fait qu'il ait produit des chefs d’œuvres. Il n'y avait pour lui aucune contrainte économique ayant une incidence quelconque sur son travail artistique.
Léonard de Vinci a eu l'intelligence de se doter des meilleures conditions financières possibles pour poursuivre ses recherches artistiques et de ce fait, a pu produire les chefs d’œuvres que nous connaissons.


Voici le manuscrit de cette lettre et sa traduction :

Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l'art d'inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m'appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.
1° - J'ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l'ennemi en fuite ; d'autres plus solides qui résistent au feu et à l'assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de brûler et de détruire les ponts de l'ennemi.
2° - Dans le cas d'investissement d'une place, je sais comment chasser l'eau des fossés et faire des échelles d'escalade et autres instruments d'assaut.
3° - Item. Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j'ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.
4° - Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.
5° - Item. Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.
6° - Item. Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l'artillerie et, qui ouvrant les rangs de l'ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L'infanterie les suivrait sans difficulté.
7° - Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.
8° - Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d'une efficacité étonnante et jusqu'ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l'attaque.
9° - S'il s'agit d'un combat naval, j'ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l'attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.

10° - En temps de paix, je puis égaler, je crois, n’importe qui dans l'architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l'eau d'un endroit à l'autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu'il puisse être. Et en outre, je m'engagerai à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.
Et si quelqu'une des choses ci-dessus énumérées vous semblait impossible ou impraticable, je vous offre d'en faire l'essai dans votre parc ou en toute autre place qu'il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité.

Lors de ma deuxième visite de l'exposition "Les Borgia", en nocturne, se sont succédés sans arrêt des groupes de visiteurs accompagnant leur guide. J'écoutais les guides et j'ai déploré, dans les exposés, le manque de vision globale de cette époque et de son incidence sur la vie de Léonard de Vinci et son départ pour Milan.
J'ai même entendu une guide parler, en regard de cette lettre "de l'égo surdimensionné" de Léonard de Vinci. J'y vois plus, pour ma part, la lettre officielle d'un artiste indépendant, commandité par un des plus riches banquiers de l'époque pour servir d'émissaire de paix auprès d'un autre grand mécène dont il veut faire son allié. Celle d'un homme obligé de se vendre pour assurer son rang afin de se dégager des contraintes économiques auxquels les artistes de toutes les époques ont toujours été confrontés pour poursuivre leurs travaux.
Vous ne lirez jamais, dans les expositions, cette anecdote de Léonard, évincé par le pape Sixte IV des travaux de la chapelle sixtine. Léonard est un mythe, il fait vendre. L'horrible marketing qui caractérise notre époque fait tout ce qu'il faut pour protéger et promouvoir le "mythe Léonard de Vinci". Tout ceci aux dépends de l'authenticité historique et de la notoriété de peintres tout aussi talentueux que Léonard, comme Le Pérugin qui a longtemps été beaucoup plus célèbre que Léonard de Vinci et ceci, au moins jusqu'au 19 ème siècle.

Notez d'autre part que le "transfert" de Léonard de Vinci de Florence à Milan (1482) est antérieur de 10 ans à l'accession au saint siège d'Alexandre VI Borgia (1492). Mais nous allons voir que Léonard va être de plus en plus concerné par les Borgia...

Au cours des 10 années qui suivent, Léonard de Vinci va rester à la cours de Milan. Il va continuer à étudier et à faire des recherches dans les domaines de l'art, de l'architecture, de l'urbanisme, de l'ingénierie hydraulique et mécanique et du génie militaire. Il peindra plusieurs personnages de la cours de Milan dont la femme et les deux maîtresses de Ludovic Sforza, Cecilia Gallerani, La Dame à l'hermine, et Lucrezia Crivelli, la Belle Ferronnière. Il y a aussi ce portrait de Jean Galéas qu'on attribue à Léonard. Vers 1490, il ouvrira même une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités.

En 1492, Laurent le magnifique décède et Rodrigo Borgia devient le pape Alexandre VI. Ces deux événements vont avoir des répercussions irréversibles sur la paix en Italie et conduire à la reconquête du royaume de Naples par Charles VIII lors de la première guerre d'Italie.
Vous avez noté que dans sa lettre de motivation, Léonard de Vinci parle déjà de la sculpture monumentale de cheval à la mémoire du père de Ludovic Sforza. Il va mettre 10 ans à en réaliser le modèle grandeur nature, multipliant les esquisses et études et poussant à bout la patience de Ludovic qui se mit à chercher un autre sculpteur. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France.
La première guerre d'Italie est une période trouble pour Milan. Lors de l'arrivée de Charles VIII et de son armée en Italie en 1494, Ludovic Sforza est un allié des français et leur rend visite à Asti en octobre 1494. Ce même mois le neveu de Ludovic, Jean Galéas, duc officiel de Milan dont Ludovic assurait le régence meurt subitement. Les rumeurs parlent d'un empoisonnement commandité par son oncle qui devient de ce fait le duc officiel de Milan.
Resté en Lombardie avec une partie des troupes, Louis d’Orléans, le cousin de Charles VIII et futur roi Louis XII, bien qu’ayant reçu l’ordre de ne pas attaquer le duc de Milan Ludovic le More, ne peut résister à l’envie de s’emparer de Novare. Il y entre le 10 juin 1495 et y est très bien reçu par les habitants, mais ne pousse pas jusqu'à Milan, pourtant peu défendue et sans doute prête à l'accueillir de la même façon. Il se fera encercler par les troupes de Ludovic et libérer par l'armée de Charles VIII revenant de Naples et rentrant en France. La première guerre d'Italie s'achève en Novembre 1497 par la signature de la trêve d’Alcalá de Henares entre la France et l'Espagne.
Pendant la première guerre d'Italie, Léonard de Vinci reste à Milan, et peint la cène pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie.

En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan, Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié avec lui et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione.
Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza.

En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza (deuxième guerre d'Italie) sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement. Léonard fuit alors Milan avec son assistant Salai en février 1499 pour Mantoue puis Venise.
En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise.

En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este.

Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges.
En 1501, il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival ». Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France.

En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général ». Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis par César, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse. Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno.

Revenons à l'exposition. Toujours au rez de chaussée, dans un long couloir attenant à la galerie de portraits se trouve cette série de trois sanguines de Léonard de Vinci dont on présume qu'elles sont des esquisses du visage de César Borgia.
J'ai été impressionné par la taille des esquisses. Chaque portrait ne doit pas mesurer plus de 7 centimètres. La finesse des traits est extrême. Je m'étonne encore de la possibilité de faire des traits aussi fins, et réguliers avec de la sanguine.
La première série d'images est très proche de ce que l'on voit réellement pour ce qui est de la couleur, la dernière image donne une bonne idée de la finesse des traits et de la quasi absence d'aplats de couleur (rien que des traits). Il semble que Léonard ait dessiné les visages d'une traite, sans jamais recourir une seule fois à un coup de gomme....
Là encore, rien que pour voir un tel dessin de Léonard de Vinci, la visite de l'exposition est à conseiller.

Malheureusement, lors de ma deuxième visite, le vendredi 6 février 2015 en nocturne, j'ai eu la surprise de constater que le dessin original avait été remplacé par une photocopie couleur avec la mention que les dessins anciens ne peuvent être exposés que pour une durée de 90 jours afin de ne pas être altérés par la lumière.

J'étais très déçu, d'autant plus que mon but était de copier le dessin et que j'avais préparé des esquisses sur mon carnet. Je ne me suis pas découragé pour autant, et j'ai finalisé mes esquisse au moyen d'un crayon de couleur en m'inspirant de la photocopie qui était quand même meilleure que les photos trouvées sur le Net.

De 1503 à 1513 Léonard vit tantôt à Florence tantôt à Milan. Il cumule les fonctions d'architecte, de peintre, d'ingénieurs en hydraulique et en génie militaire.

En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à ce moment.
Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée, l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.

« Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris.

Léonard est présenté à François premier en 1515. Il part vivre en France en 1516 dans un château que lui donne le roi et mourra en France trois ans plus tard à l'âge de 64 ans.

 - Les guerres incessantes

Toute cette partie de l'exposition est d'ailleurs liée aux multiples guerres qui rendent difficile, l'appréhension de l'histoire de cette période. De ce point de vue, la carte d'Europe de l'époque intelligemment placée au début de l'exposition montre que si la plupart des grands pays européens (Espagne, France, Allemagne, Autriche,...) avaient déjà grosso modo le même territoire qu'aujourd'hui, l'Italie était quant à elle un assemblage de multiples petits duchés ou cités indépendantes suscitant toutes les convoitises de la part de leurs voisins directs ou des autres pays d'Europe dont la France.


On dénombre donc dans les seuls conflits qui opposèrent la France à l'Italie, pas moins de onze guerres qui s'étalent de 1494 à 1559. Ce sont les guerres d’Italie menés par les souverains français en Italie au cours du XVIe siècle pour faire valoir ce qu'ils estimaient être leurs droits héréditaires sur le royaume de Naples, puis sur le duché de Milan :

  • Les premières guerres d’Italie : de Charles VIII à Marignan
    • Première guerre d'Italie (1494-1497)
    • Deuxième guerre d'Italie (1499-1500)
    • Troisième guerre d'Italie (1501-1504)
    • Quatrième guerre d'Italie (1508-1513)
    • Cinquième guerre d'Italie (1515-1516)
  • Les six guerres du duel Valois/Habsbourg
    • Sixième guerre d'Italie (1521-1526)
    • Septième guerre d'Italie (1526-1529)
    • Huitième guerre d'Italie (1535-1538)
    • Neuvième guerre d'Italie (1542-1544)
    • Dixième guerre d'Italie (1552-1556)
    • Onzième guerre d'Italie (1557-1559)


L'hégémonie des Borgia sur l'Italie ne dure pas très longtemps en fait. Le vrai pouvoir des Borgia correspond à la période où règne d'Alexandre VI sur l'église et les états pontificaux soit les 11 années allant de sa prise de fonction en 1492 à à sa mort en 1503. A sa mort le déclin de la famille Borgia commence et César son fils mourra 4 ans plus tard à l'âge de 31 ans.
La famille Borgia est donc impliquée dans les trois première guerres d'Italie :

1 - Première guerre d'Italie (1494-1497)

Origines

Le royaume de Naples, jusqu’en 1442, est aux mains de la maison d'Anjou, maison cadette des Capétiens. À cette date, l’Aragon avec le roi Alphonse V en prend le contrôle. La maison d’Anjou essaie alors sans relâche d’en reprendre possession. Son dernier représentant, René d’Anjou meurt en 1480 : ses droits sur le royaume de Naples passent alors au royaume de France, où règne Louis XI, puis, à partir de 1483, Charles VIII.

Charles VIII est en outre incité à se rendre en Italie par Ludovic le More, tuteur du duc de Milan Jean Galéas Sforza. Ludovic le More est inquiet de la rupture possible de l’équilibre en Italie : l’alliance formée dès 1467 par Florence, Milan et Naples, pour lutter contre la puissance vénitienne, bat de l’aile et Pierre l’Infortuné, le successeur de Laurent le Magnifique, se rapproche du royaume de Naples. En outre, le projet de Charles VIII est discrètement soutenu en Italie même par une faction, à la tête de laquelle se trouve "le cardinal Giuliano della Rovere le futur Jules II, [qui] comptait sur l'appui des Français pour faire déposer le pape régnant Alexandre VI Borgia"

Déroulement de la première guerre d'Italie et répercussions politiques et artistiques

Année Evenements historiques Evenements artistiques
1494 Septembre : Charles VIII, roi de France revendiquant les titres de roi de Naples et de Jérusalem pénètre en Italie (première guerre d'Italie)

Novembre : Prise de Florence et de la Toscane par les français. Renversement des Médicis.
début de la dictature théocratique de Florence mise en place par Jérôme Savonarole grâce à l'invasion française

Décembre : Prise de Rome par les français.
Mort de l'artiste peintre et poète Giovanni Santi, père de Raphaël (11 ans)
Selon certaines sources Raphaël étudie à Urbino sous la direction de Timoteo Viti jusqu'en 1499, selon d'autres il aurait été à Pérouse. On ne sait pas s'il a étudié avec Le Pérugin.


Milan : Léonard livre enfin (après 12 ans de travaux préparatoires) le prototype en argile de la statue de cheval géant en hommage au père de Ludovic Marie Sforza Duc de Milan.
(Le cheval ne sera jamais terminé, Les 100 tonnes de bronzes nécessaires à la réalisation ne seront plus disponibles, car elles seront utilisées pour fabriquer des canons destinés à la défense du duché d'Este envahi par les soldats français du roi Louis XII. cf. Seconde guerre d'Italie)

Milan : début de la peinture de La fresque La Cène (1494-1498) par léonard de Vinci (42 ans) pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie
1495 Février : Charles VIII entre à Naples

Mars : sous l'impulsion de Ferdinand II d'Aragon et du pape Alexandre VI, une coalition, la Ligue de Venise, se forme contre la France

Mai : Charles VIII quitte Naples y laissant Gilbert de Montpensier avec le titre de vice roi.
1496 Gilbert de Montpensier abandonne Naples sous la pression des Espagnols
L'Espagne profite de la situation pour attaquer le Languedoc
Début des tractations entre la France et l'Espagne
Michel-Ange (21ans) part à Rome sous la demande du cardinal Raffaele Riario
1497 7 février : Jérôme Savonarole met en place le bûcher des vanités

Mai :Excommunication de Savonarole par Alexandre VI (fondateur de la dynastie des Borgia)

Novembre : Signature de la trêve d’Alcalá de Henares entre la France et l'Espagne : Fin de la première guerre d'Italie
Sandro Botticelli (53 ans) apporte lui même ses oeuvres jugées licencieuses pour qu'elles soient brûlées sur le bûcher des vanités
1498 A l'initiative du Pape Alexandre VI, arrestation, procès par l'inquisition et mort par pendaison de Jérôme Savonarole
Milan : fin de la peinture de La fresque La Cène (1494-1498) par léonard de Vinci (46 ans) pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie
1499 Michel-Ange (24 ans) finit sa Pieta et devient célèbre


2 - Deuxième guerre d'Italie (1499-1500)

Origines

Louis d'Orléans, cousin de Charles VIII a participé à la première guerre d'Italie où il a tenté de conquérir Milan malgré les instruction de Charles VIII. Milan était en effet dans ce conflit un allié de la France et avait été à l'initiative de la première guerre d'Italie. Mais Louis d'Orléans a toujours eu des vues sur le duché de Milan car il estime avoir des droits, par sa grand-mère issue de la famille Visconti.
Il y a une rivalité manifeste entre Louis et Charles. La branche d'Orléans dont est issu Louis est rivale de la branche des Valois direct et c'est par méfiance que le père de Charles VIII, Louis XI a marié sa fille estropiée Jeanne de France à Louis d'Orléans en espérant qu'il n'ait point de descendance. Louis d'Orléans semble d'autre part avoir toujours été attiré par la femme de Charles VIII, Anne de Bretagne.

Charles VIII meurt, à 27 ans, le 7 avril 1498 au château d'Amboise, après avoir violemment heurté du front un linteau de pierre. Des rumeurs disent que Louis d'Orléans en aurait profité pour commanditer son empoisonnement et faire passer l'assassinat pour une mort naturelle. Ceci lui permet de devenir le roi Louis XII et de pouvoir épouser Anne de Bretagne.

Si la première guerre d'Italie vise à faire valoir les droits du roi de France sur Naples, la seconde y ajoute la revendication du duché de Milan. D'autre part, les alliances de la seconde guerre d'Italie vont être à l'opposée de la première.
Louis XII a dû tirer les leçons de la première guerre d'Italie : Charles VIII, en voulant reconquérir Naples n'avait qu'un seul allié, le duché de Milan, et s'est opposée à la ligue formée par Venise, les Etats pontificaux et l'Espagne. Il était évident dans ces conditions que Naples allait être reprise rapidement par les espagnols.
De plus Louis XII revendique Milan. Il forme donc des alliances opposées à celles de son cousin Charles VIII et commence par s'unir avec les Etats Pontificaux, Venise et l'Espagne contre Milan.
Son alliance avec le Pape Alexandre VI Borgia, lui permet en outre de faire annuler son mariage avec Jeanne de France, l'estropiée, et de pouvoir épouser Anne de Bretagne. En échange il fait cadeau du Valentinois érigé en duché, à César Borgia, le fils du pape Alexandre VI.

Déroulement de la deuxième guerre d'Italie et répercussions politiques et artistiques

Année Evenements historiques Evenements artistiques
1499 juillet : Les Français et les Vénitiens attaquent le duché de Milan Ludovic le More Duc de Sforza se réfugie au Tyrol Rome : Michel-Ange (24 ans) finit sa Pieta et devient célèbre

L'arrivée des troupes françaises à Milan en 1499 cause des dommages importants au cheval de Léonard, le modèle est utilisé comme cible par les arbalétriers. Les moules sont perdus, et si le modèle en craie pouvait être sacrifié, sans le moule, l'œuvre est définitivement perdue.
1500 mars : Ludovic Sforza reconstitue une armée et reprend Milan


avril : Louis XII envoie La Trémoille et Georges d'Amboise reconquérir le duché

Ludovic le More n’ayant pas soldé ses mercenaires, ces derniers refusent de combattre les Français et leur livrent même leur chef
Ludovic Le More est emmené en captivité en France où il meurt en 1508.
Louis XII nomme Charles II d'Amboise de Chaumont gouverneur de Milan.
Milan reste sous domination française jusqu'en 1513
Les oncles de Raphaël (17 ans) l'envoie à Pérouse mais on ne sait pas s'il a étudié dans l'atelier du Pérugin
Commande du retable de l'église Sant'Agostino de Città di Castello (aujourd'hui disparue) par Andrea di Tommaso Baronci (qui lui donna ainsi son nom) le 10 décembre 1500 à Raphaël et Evangelista da Pian di Meleto, assistant historique de son père.
Sur le contrat, Raphaël, bien que débutant, était déjà mentionné comme magister et son nom était placé avant l'ancien collaborateur de son père, témoignant officiellement qu'il était déjà considéré, à peine âgé de dix-sept ans, comme un peintre autonome ayant terminé son apprentissage.


3 - Troisième guerre d'Italie (1500-1504)

Origines

Une fois conquis le duché de Milan, Louis XII se tourne vers le royaume de Naples. Une fois encore, il obtient l’appui du pape Alexandre VI qui reproche au roi Frédéric Ier de Naples de s’être allié aux Turcs.

Déroulement de la troisième guerre d'Italie et répercussions politiques et artistiques

Année Evenements historiques Evenements artistiques
1500 11 novembre : Louis XII signe le traité de Grenade avec Ferdinand II d'Aragon régissant le partage du royaume de Naples : les Pouilles et la Calabre pour l’Aragon, Naples, le Labour et les Abruzzes pour la France.
1501 Naples doit faire face à la double offensive franco-espagnole
26 septembre : Le roi de Naples capitule et se réfugie auprès du roi de France, qui lui attribue le titre de duc d'Anjou en contrepartie de son renoncement au royaume de Naples.
31 Octobe : Orgie des 50 prostituées au Vatican
16 août : Michel-Ange (26 ans) reçoit la commande du David de la part de deux organismes de la jeune république de Florence :
  • l'Opera del Duomo (chargé de superviser la construction et l'aménagement de la cathédrale Santa Maria del Fiore)
  • l'Arte della Lana (la plus importante maison de commerce et de banque de Florence au xive siècle, liée aux tisserands)
1502 Dans le royaume de Naples, l’occupation par les Français de certains territoires contestés entraîne un conflit avec Ferdinand II d'Aragon
1503 Mort d'Alexandre VI (72 ans)
Prise de fonctions du Pape Jules II farouche adversaire des Borgia (il a été à l'initiative de la première guerre d'Italie), début du déclin des Borgia
1504 Les défaites françaises de Seminara, de Cérignole et du Garigliano contre Gonzalve de Cordoue, entraînent la perte de Naples
1er janvier 1504 :capitulation de Gaëte.
février 1504 : armistice de Lyon par lequel Louis XII renonce au royaume de Naples au profit de Ferdinand II d'Aragon.
Louis XII a donc permis l’extension de la Papauté et a provoqué l’installation des Espagnols à Naples.
Michel-Ange (29 ans) finit son David (Florence) et part s'installer à Rome
Raphaël (21 ans), lui arrive à Florence et découvre Léonard de Vinci et Michel-Ange. Epoque des Madones et de la peinture de nus.
Portrait d'Elizabeth de Gonzague par Raphaël



Durant le même temps, et avec l’accord de la France, César Borgia, fils d’Alexandre VI, prend possession de la totalité de la Romagne pontificale (1500), puis du Duché d'Urbino (juin 1502). Louis XII s’oppose à ses velléités d’attaquer Florence. Le 31 décembre 1502, il fait massacrer les barons de la famille Orsini à Senigallia. . Alexandre VI meurt en août 1503. Un adversaire farouche des Borgia, Jules II, devient pape.
César Borgia doit rendre les villes et forteresses qu’il occupe et fuit en Espagne, où il est emprisonné, puis finit par se réfugier en Navarre où il meurt en 1507. Sa mort signe la fin de la dynastie des Borgia.

La funeste famille Borgia se distingue donc son avidité de pouvoir servie par une cruauté sans limite et des moeurs dissolues. Alexandre VI est le seul Pape ayant mis son pouvoir au service de l'enrichissement de sa propre famille entre autre en distribuant les terres pontificales à son fils.

Ces guerres, qui ont continué bien après la chute des Borgia, ont eu des répercussions sur la création artistique de l'époque, ralentissant ou stoppant les projets. Il y a cette anecdote de Michel-Ange se cachant dans une salle secrète sous une chapelle des Médicis dans la basilique de San Lorenzo à Florence pendant trois mois, soit une partie de la durée de l'attaque des troupes espagnoles contre la cité toscane en 1529. Il en profitera pour couvrir les murs de cette étroite salle (7 mètres sur 2) de magnifiques dessins aux fusains qui seront découverts en 1975.


Pour en revenir à l'exposition les Borgias et leur temps au musée Maillol, vous admirerez donc, entre autre, des armes, hallebarde, arbalète, des morceaux d'armures, dont un casque d'ornement serti de velours carmin dans un état de conservation impeccable. Vous y verrez aussi un exemplaire d'une des premières éditions imprimées du Prince de Machiavel, puisque César Borgia est censé avoir servi de modèle à Machiavel pour l'écriture de cet essai et que cette période coïncide aussi avec les débuts de l'imprimerie.

 - Les opposants aux Borgia

La vie dissolue des Borgia, le pape Alexandre VI et ses deux enfants, Lucrèce et César, leur absence de morale, de scrupule susciteront bien sûr des oppositions de toutes sortes comme celles d'Erasme et du moine Savonarole. Ces contestations et oppositions ont contribué en partie au développement de la Réforme protestante.


L'exposition nous offre le célèbre portrait de Jérôme Savonarole dans sa cellule au couvent San Marco, réalisé par Fra Bartolomeo en 1498, ainsi que la scène du bûcher sur la Piazza della Signoria la même année

Pour ceux qui connaissent Florence, vous noterez qu'on y voit bien le Duomo, le Palazzo Vecchio et les Uffizi.

Nous finirons cette première partie consacrée au rez de chaussée de l'exposition avec ce portait d'Erasme par Quentin Metsys (ou Massys), une des pièces maîtresses de l'exposition et qui permet d'observer conjointement les peintures flamandes et italiennes de la renaissance.






Premier étage
 - Urbanisme, décoration d'intérieur, sculpture

Les oeuvres du premier étage, comme je l'ai dit précédemment, permettent d'approfondir les connaissance artistiques du visiteur en montrant des oeuvres atypiques touchant à des domaines variés, sculpture, architecture, urbanisme :
  • On y apprend par exemple que l'urbanisme de Rome fut modifié afin d'y faciliter le flux des pèlerins qui constituaient une source de revenu non négligeable pour le Saint Siège toujours avide d'argent afin, entre autre, de financer les conquêtes de César en Italie.
  • On a un très bon aperçu de la magnificence déployée dans la décoration intérieure des palais habités par Alexandre VI dont un impressionnant morceau de fresque serti dans un cadre de bois.
  • Question sculpture, on retiendra ce magnifique bas relief taillé dans un marbre aux couleurs d'ivoire et un buste antique posé sur un socle d'époque renaissance qui rappelle le regain d'intérêt à cette époque pour l'art antique et païen. Le chapitre sculpture sera à nouveau à l'honneur dans l'espace consacré à Michel-Ange...

 - Ateliers et filiations artistiques

Peut-être est-ce complètement subjectif parce que je reviens de Florence, et que je m'intéresse de très près depuis plusieurs années à l'art de la renaissance, mais je trouve que le premier étage de l'exposition rend particulièrement bien ce climat de foisonnement artistique qui caractérise l'époque.

Les représentants du haut clergé et les hommes d'états qui sont souvent en même temps des militaires avides de conquêtes sont en plus de grands mécènes qui veulent ajouter à la gloire de leurs victoires militaires celle de la beauté de leur cités et palais en commandant toujours plus d'oeuvres d'art.
Ceci a d'ailleurs pour effet d'attiser les convoitises ce qui explique le climat de guerres incessantes qui caractérise aussi l'époque. Art et guerre sont donc intimement liés à la renaissance.

Il faut bien se rendre compte que l'art à la renaissance commence à devenir une véritable industrie et que la production artistique est structurée sous la forme d'ateliers (bottega) conduits par les grands maîtres de l'époque qui prennent souvent des apprentis âgés de 7 ou 8 ans dont certains deviendront eux-mêmes de grands maîtres, fondant leurs propres ateliers, etc.

Léonard de Vinci, par exemple, entre relativement tard, en 1469 (il a dix sept ans), dans le prestigieux atelier d’Andrea del Verrocchio à Florence.

Un des chefs d'oeuvres visibles au musée Maillol actuellement est donc cette huile attribuée à Verrocchio, réalisée en 1465 et représentant saint Jérôme. On comprend un peu mieux en la voyant l'accession de Léonard à la maîtrise qui le caractérise. Encore une bonne raison de se rendre au musée Maillol pour se retrouver quelques instants face à cette pièce inestimable.
Cette oeuvre fait partie de la collection permanente de la galerie Palatine de Florence.
Quand je visite une exposition, je regarde systématiquement la provenance des oeuvres. En le faisant pour cette exposition des Borgia, j'ai été impressionné par les provenances. Les oeuvres proviennent des plus prestigieux musées d'Europe, parfois très éloignés de Paris. Et on a quelque fois la bonne surprise de constater qu'un des chefs d'oeuvres appartient à un musée d'une petite ville de France, ce qui doit nous encourager à visiter systématiquement les musées des beaux arts quelque soit l'endroit où l'on se trouve.



 - Michel-Ange

L'exposition annonçait dans son intitulé "De Léonard de Vinci à Michel-Ange". La partie consacrée à Léonard de Vinci m'a beaucoup plu, ce n'était pas de la publicité mensongère, celle consacrée à Michel-Ange, encore plus... jugez plutôt :

D'abord, il y a une série de deux dessins. Une esquisse de bras et une de jambes.
Les esquisses de bras ressemblent au dessin que j'ai mis en ligne mais les mains sont beaucoup plus stylisées. On voit bien, dans la façon dont Michel-Ange a stylisé les doigts qu'il fait partie du courant maniériste.

Forcément, quand j'ai vu les dessins, j'ai eu instantanément envie de les reproduire, et comme j'avais un peu prévu cet engouement soudain face aux oeuvres, j'avais emporté mon matériel de dessin.

L'étude de jambes est donc une copie de l'original réalisée sur place et que je trouve assez fidèle. La description indiquait "mine de plomb" mais en regardant le dessin j'ai trouvé que ça ressemblait plus à de la pierre noire. De toute façon, ça fait des années que je n'ai pas touché à la mine de plomb et dans le matériel emporté je n'avais que de la pierre noire, j'ai donc reproduit l'étude de Michel-Ange à la pierre noire. Mon objectif est quand même de refaire ma copie de cette étude à la mine de plomb, et de retourner au musée pour copier l'étude de bras et aussi les visages de César Borgia par Léonard de Vinci.



Enfin, il y a cette terre cuite nimbée d'une histoire extraordinaire :

Elle a été trouvée très abîmée et recouverte de 9 couches de peintures de toutes les couleurs chez un antiquaire à Bologne par un amateur italien en 2003. Celui-ci a toute suite pensé qu'il s'agissait d'un Michel-Ange et a invité plusieurs spécialistes à se pencher sur son expertise.

Seul Roy Doliner s'est donné la peine de se déplacer et il a tout de suite été convaincu de l'authenticité de l'oeuvre. Une longue lutte a commencé pour faire authentifier cette terre cuite comme le modèle ayant servi à Michel-Ange pour sculpter la Pieta.
Beaucoup d'éléments sont venus conforter la thèse en particulier la mention dans plusieurs écrits de cette terre cuite comme un pièce fétiche dont Michel-Ange ne s'est jamais séparé et qu'il a léguée à son fidèle assistant Antonio del Francese.

Il y a aussi le fait que ce modèle comporte un cupidon dont il ne reste que le carquois ce qui est conforme aux goûts néo-platoniciens de Michel-Ange. Le cupidon sera aboli dans l'oeuvre finale. Cette terre-cuite aurait donc servi à Michel-Ange à obtenir la commande de son premier chef d'oeuvre : la Pieta de la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome.

C'est la pièce maîtresse par excellence de l'exposition car c'est la première fois que cette oeuvre de Michel-Ange est montrée au public !




Pour conclure...

La dernière salle fait état des oeuvres cinématographiques ayant eu pour thème les Borgia. On y voit aussi quelques planches originales de la bande dessinée de Milo Manara... magnifiques et aussi une relique... quelques mèches de cheveux blonds qui proviendraient de la chevelure de Lucrèce Borgia.

Je salue avec beaucoup de respect le travail de l'équipe qui a permis de rassembler pour quelques mois au musée Maillol tant de merveilles ! Beau travail d'éclectisme et de cohérence à la fois, et qui permet de clarifier dans l'esprit du visiteur plusieurs aspects de cette époque riche et trouble et ce, dans des domaines aussi variés que l'art, l'histoire, la politique et la religion.
A voir absolument !